De l’art de jeter le bébé avec l’eau du bain

Le lycéen et jeune directeur de la rédaction Côme Delanery écrivait cette semaine son édito1 sur le professeur en lycée Etienne Chouard.

Charles de Montesquieu

Charles de Montesquieu

« Ce professeur de lycée propose notamment de faire réécrire la constitution par … des citoyens tirés au sort. Certains se laissent séduire par l’homme. »

Est-il imaginable que l’idée d’une assemblée constituante tirée au sort soit séduisante pour certains d’entre nous ? Est-ce possible de concevoir des citoyens s’intéressant plus aux idées qu’aux hommes qui les portent ? Pour Côme Delanery, ce n’est apparemment pas le cas. Dès l’introduction, l’éditorialiste commence donc très mal. Il reste bloqué dans les schémas de pensée traditionnelle où le citoyen est séduit par le candidat politique lors d’une campagne électorale où sa première des missions est de charmer les électeurs pour récolter des voix. Faut-il rappeler qu’Etienne Chouard n’est candidat à rien et donc que la grille de lecture habituelle ne peut pas être utilisée avec lui ?

« Choisir individuellement quelques individus au hasard ne fait pas d’eux la voix du peuple, auxquels cas on pourrait considérer les sondages et autres « questions du jour » des médias comme de véritables modèles de démocratie »

L’auteur compare le projet d’assemblée constituante tirée au sort au système des sondages. Il effectue ici une erreur qui aurait pu être évitée s’il s’était un peu plus intéressé au sujet en lisant par exemple le récent ouvrage de David Van Reybrouck2. L’écrivain belge évoque les biais des sondages. Les questions posées où les citoyens doivent s’exprimer et donner leur avis très rapidement ne sont pas précédées d’un débat et d’une réflexion. Or, l’un des fondements de la démocratie est le débat ! Il n’est donc pas raisonnable de comparer une assemblée (élue ou tirée au sort) où les députés dialoguent, échangent et réfléchissent avant de voter et un sondage.

« La force de l’internet »

Le jeune journaliste s’étonne ensuite que certains « pseudo-libre-penseurs » – notons la touche de mépris – s’exprime principalement sur Internet. Faut-il lui expliquer comment fonctionne le système médiatique ? Faut-il lui rappeler des lapalissades comme le fait que pour s’exprimer dans les médias de masse, il faut y être invité ? Internet est un média populaire (au sens premier du terme) car il permet à chacun de s’exprimer sans avoir à demander d’autorisation. Il n’est donc pas étonnant que des personnalités politiques n’ayant pas accès aux médias traditionnels apparaissent sur ce média au fonctionnement atypique.

« Mais c’est la stratégie de diffusion du message par l’internet qui permet particulièrement de faire mouche »

Côme Delanery avait annoncé la couleur dès l’introduction. Il réaffirme ici le peu de considération qu’il porte à ses concitoyens. Si certains d’entre nous (car il faut bien l’avouer, cette idée est pratiquement inconnue à ce jour) voient dans le projet d’assemblée constituante tirée au sort une opportunité de rendre réellement le pouvoir au peuple, ce n’est pas du tout parce que nous y avons réfléchi mais parce que nous avons subi un bourrage de crâne. Si nous pensons, comme l’évoquait récemment Judith Bernard3 que « seul un processus constituant citoyen pourra instituer la puissance populaire » et que des élus « n’y verraient (à juste titre) que contraintes limitant leur prospérité et leur carrière », ainsi que celles de leurs camarades de parti politique, c’est que nous sommes matraqués de messages répétitifs. Si nous estimons que l’assemblée qui écrira la prochaine constitution doit aussi être écrite par des ouvriers, des employés, des abstentionnistes, des chômeurs etc. ce que permet bien plus le tirage au sort que l’élection, c’est que nous sommes « des fidèles extrêmement dévoués » au maître Etienne Chouard qui a pourtant plusieurs fois indiqué que « c’est à nous de nous émanciper de nos maîtres en nous formant entre nous, par éducation populaire »4. On peut noter ici le paradoxe et par conséquent la faiblesse du travail journalistique.

« S’il pouvait d’abord apparaître comme un idiot utile, sa proximité avec l’extrême-droite fascisante ressort désormais »

Enfin, hasard du calendrier, Etienne Chouard vient de répondre5 ce jour aux différentes attaques du monde politique et médiatique à l’aide de la technique « marabout-bout-de-ficelle »6, dans un billet mettant les choses aux claires à propos d’Alain Soral et plus globalement des idées d’extrême-droite :

Je ne peux évidemment pas valider une parole pareille, froidement raciste, sexiste, autoritaire. Je n’avais jamais vu Soral parler comme ça. C’est un peu comme un désaveu, parce que je l’ai entendu maintes fois jurer qu’il n’était pas antisémite.

Alors, je cède, je reconnais que me suis trompé, en publiant un lien sans mise en garde : il y a un risque d’escalade des racismes. Ce mélange de lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination (résistance qui m’intéresse toujours et dont je ne me désolidarise pas), avec un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés (qui me hérissent vraiment), ce mélange est toxique. Stop.

[..]

En conclusion, j’insisterai sur l’essentiel : à mon avis, tous ces reproches sont montés en épingle de mauvaise foi par les professionnels de la politique pour entretenir une CONFUSION entre les vrais démocrates et « l’extrême droite » ; confusion qui leur permet de se débarrasser des vrais démocrates à bon compte, sans avoir à argumenter.

En conclusion, avec cet édito, Côme Delanery entretient cette confusion, peut-être malgré lui.

Pi Wu

1 « Chouard, démocratie et grande confusion », News Young, Côme Delanery, 26 novembre 2014
2 « Contre les élections », David Van Reybrouck, Babel, février 2014
3 « Les militants du sort portent un projet radicalement antifasciste », Blog Mediapart, Judith Bernard, 24 novembre 2014
4 « Démocratie et constitution, entretien avec Etienne Chouard », UN Special n°727, avril 2013
5 « Pour que les choses soient claires », Blog, Etienne Chouard, 28 novembre 2014
6 « Du bon usage du m6r », Blog Médiapart, Apu R, 27 novembre 2014

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Comment Mathieu Dejean montre ses préjugés face à un mouvement citoyen et apartisan ?

Mathieu Dejean est journaliste aux Inrocks1 et ex-stagiaire à Slate2, a fait deux articles pour Témoignage Chrétien3 et écrit pour Regards4. Il est aussi ami sur Facebook avec Clément Sénéchal et Stéphanie Roza5 (dont j’ai décortiqué la tribune à charge contre le tirage au sort parue dans Libé la semaine dernière)6. En lisant son compte Tweeter7, on remarque entre autres qu’en avril dernier lors des élections européennes, il faisait suivre le tweet de Clément Sénéchal où Raquel Garrido et Jean-Luc Mélenchon « exhortaient les gens à reprendre le pouvoir et fonder une 6ème République »8. On peut donc le qualifier sans prendre trop de risques de sympathisant du Front de Gauche.

Dimanche 23 novembre 2014, ce journaliste a écrit un article rempli de préjugés sur le mouvement citoyen et apartisan des Gentils Virus9 et a provoqué la colère, l’incompréhension et la déception de ces derniers10. Cela se conçoit aisément quand on connait la réactivité impressionnante qu’ils ont eu pour répondre à ses questions (24 heures11) alors que les principes démocratiques qu’ils s’imposent nécessitent le débat, le travail collectif et la délibération : le « temps long » en somme. En effet, on peut retrouver le résultat de ce processus (propositions, débats et votes) sur leur wiki12 et Mathieu Dejean a été mis au courant de cette méthode de travail vu qu’il le dit dès le début de son article. Pourtant, il n’hésitera pas à donner la parole à Pierre Crétois (autre auteur de la tribune de Libé et farouche opposant au tirage au sort) pour affirmer qu’ils sont « les derniers des démocrates dans leurs méthodes ». Il y a ici une contradiction. On peut donc raisonnablement se poser des questions sur le travail journalistique effectué. Mathieu Dejean a-t-il recoupé ses sources ? De quelle réunion parle Pierre Crétois ? Est-ce qu’une personne s’est réellement imposée pendant un temps aussi long (15 minutes) sans que personne n’intervienne ? Cette personne se revendiquait-elle être des Gentils Virus ? Dans tous les cas, nous ne pouvons que nous étonner de la différence de méthode existant entre le processus démocratique utilisé pour répondre à ce journaliste et le récit de Pierre Crétois.

Mise à jour du 1er décembre 2014 : Suite à quelques recherches, la réunion dont parle Pierre Crétois s’est déroulée dans le cadre du troisième volet des Ateliers Généraux le 27 octobre dernier à Paris III. La personne qu’il qualifie de Gentil Virus s’est en réalité présentée comme membre de l’association Les Citoyens Constituants13. Le texte préparé qui a été lu est l’appel de l’association à signer pour la 6ème République14 qui a récemment été déposé sur le site du m6r. Ce militant associatif ne s’est pas imposé mais a demandé la parole comme tout participant. Ce texte n’a pas été lu durant la conférence mais lors des débats qui l’ont suivi contrairement à ce qu’affirme le philosophe dans l’article des Inrocks15. Lorsque l’on lit le compte-rendu, on peut lire qu’à ce moment de la réunion, le débat portait sur la 6ème République, la lecture de l’appel n’était donc pas incongrue. Ayant récupéré l’enregistrement de cette réunion, le temps de lecture de cet appel était de 5 minutes et 12 secondes et non de 15 minutes comme l’indique Pierre Crétois. Il est regrettable que le journaliste n’ait pas fait un réel travail d’investigation pour vérifier les propos de Pierre.

« Ils se confondent de l’extérieur avec ses relais d’extrême[-]droite »

Cette phrase est très ambigüe car elle ne dit pas que les Gentils Virus sont un mouvement d’extrême-droite mais que ses relais peuvent l’être. L’auteur n’a certainement pas tort, il doit bien y avoir des organisations d’extrême-droite qui relaient les vidéos que peuvent faire les Gentils Virus vu qu’ils sont libres de relayer ce qu’ils veulent. Récemment, le site d’extrême-droite Égalité et Réconciliation relayait une partie du discours de Jean-Luc Mélenchon donnée lors du « remue-méninges » en août 201416. En appliquant la même logique, l’auteur va-t-il écrire un papier pour nous alerter que les membres du Parti de Gauche « se confondent de l’extérieur avec ses relais d’extrême droite » ? C’est bien entendu absurde. Plutôt que d’analyser le mouvement démocrate des Gentils Virus par une partie de ses « relais », l’auteur n’aurait-il pas dû se baser sur les textes disponibles sur leurs différents sites ? Jusqu’à présent, je n’ai pas lu de texte soutenant les valeurs de l’extrême-droite sur le site des Gentils Virus.

« Il n’est pas étranger à l’activisme de sa communauté de fans »

Le terme « fan » est généralement employé de manière péjorative pour désigner une personne admirative délaissant son sens critique de côté. Pourtant, dans la réponse apportée au journaliste, les Gentils Virus n’exprimaient pas un fanatisme pour Étienne Chouard en le plaçant au même niveau que d’autres intellectuels en insistant sur le fait qu’il n’a pas un rôle prédominant : « Plusieurs auteurs traitant de la démocratie accompagnent les réflexions des Gentils Virus : Étienne Chouard bien sûr, mais aussi Francis Dupuis-Déri, Yves Sintomer, David Van Reybrouck, etc. Concernant Étienne, il intervient peu dans les groupes des GV et n’a pas un rôle prédominant. Il reste une référence mais notre réflexion va au-delà de la conviction d’une seule personne. Comme n’importe qui d’autre, ses prises de position peuvent être débattues. ». Ce terme n’aurait-il pas été volontairement mal choisi ?

« Ils disséminent en effet tous azimuts les thèses de leur inspirateur »

Mathieu Dejean n’a-t-il pas remarqué que les Gentils Virus avaient cité plusieurs « inspirateurs » accompagnant leurs réflexions ? On peut souligner que ses questions se focalisaient sur Étienne Chouard et que, malgré les réponses apportées par les Gentils Virus, l’article se concentre dessus en utilisant le singulier. A quoi cela sert d’interviewer les Gentils Virus si l’auteur ne tient pas compte des réponses apportées ?

« Infiltration du M6R »

Comment peut-on infiltrer un mouvement qui se veut populaire et ouvert à tous ceux qui veulent un changement de constitution ?

« Clément Sénéchal, qui anime la Commission VIe République du Parti de gauche »

Clément Sénéchal est co-responsable de la commission interne 6ème République au Parti de Gauche suite à sa nomination par la secrétaire nationale Raquel Garrido en 2013. Il n’a pas de mandat de porte-parole, il n’est pas élu et ne représente donc personne. Clément étant très attaché au système représentatif, ce n’est pas lui qui dira le contraire. Suite à cette petite précision, on peut s’interroger sur la pertinence d’indiquer sa fonction au Parti de Gauche. Il note que certains Gentils Virus utilisent des surnoms. Pourtant, même au Parti de Gauche, nous avons « une minorité agissante de gens dissimulés sous pseudo » qui écrivent des livres aux éditions Bruno Leprince, rédigent des communiqués de presse sur le site du PG, organisent des conférences, etc. Où est le problème ?

Commentaire de Clément Sénéchal

Commentaire de Clément Sénéchal suite à la parution de l’article

Quand à la fin de l’article au sujet de son appartenant à un groupe Facebook, Etienne Chouard a donné sa réaction sur son propre mur Facebook17 :

Là, ce sont les Inrocks qui viennent de m’accuser — mais c’est une calomnie — d’avoir liké un groupe d’affreux… Je n’ai rien liké du tout, on m’a inscrit à ce truc sans me le demander, comme ça m’arrive tout le temps. Il faut savoir que je suis, depuis des années, inscrit d’office (sans l’avoir demandé) à des tas de groupes Facebook (des dizaines et des dizaines)… J’ai renoncé à me désinscrire de tous car c’est littéralement sans arrêt, et puis il y a des militants que j’aime bien qui trouvent des forces à me voir affiché avec eux, alors bon, je ne m’occupe plus trop de ces « groupes » qui n’en sont pas vraiment puisqu’on ne peut pas empêcher l’inscription d’autorité.

Alors là, j’ai découvert que j’appartenais à ce groupe craignos en lisant l’article des Inrocks => je suis donc allé voir « mes groupes » : je suis encore dans 89 groupes (!) (pourtant, j’ai fui des dizaines et des dizaines de fois depuis mon inscription sur FB) et effectivement je suis dans ce groupe (très laid, et avec qui, évidemment, je n’ai rien de commun)… Alors je me suis désinscrit aussitôt, évidemment, une fois de plus. Mais tirer de ces inscriptions arbitraires (sans mon accord et fréquentes comme du spam) la marque — voire la preuve (!) — d’une dérive idéologique malsaine (…), c’est soit débile, soit malveillant.

En conclusion, je regrette que cet article n’aborde pas les thèmes tels que le processus constituant populaire, l’assemblée constituante ou encore le suffrage par le sort en s’attachant plus à la forme qu’au fond.

Pi Wu

 

1 Articles écrits par Mathieu Dejean pour « Les Inrocks »
2 Articles écrits par Mathieu Dejean pour « Slate »
3 Articles écrits par Mathieu Dejean pour « Témoignage Chrétien »
4 Articles écrits par Mathieu Dejean pour « Regards »
5 Page Facebook de Mathieu Dejean
6 « Les premières attaques viennent de notre propre camp », Blog 6ème République, Pi Wu, 15 novembre 2014
7 Compte Tweeter de Mathieu Dejean
8 #12avril : @JLMelenchon & @RaquelGarridoPG exhortent les gens à  » reprendre le pouvoir et fonder une 6eme République », Tweeter, Clément Sénéchal, 12 avril 2014
9 Les Gentils Virus pour la Démocratie
10 Interview par un journaliste des Inrockuptibles (novembre 2014), Wiki des Gentils Virus, 2014
11 « Interview par un journaliste des Inrockuptibles », Wiki des Gentils Virus (Mail), 23 novembre 2014
12 « Interview par un journaliste des Inrockuptibles », Wiki des Gentils Virus, 23 novembre 2014
13 Association Les Citoyens Constituants
14 « Une constituante citoyenne démocratique donc tirée au sort », m6r, novembre 2014

15 « Comment les “Gentils virus” d’Etienne Chouard contaminent le web », Mathieu Dejean, 23 novembre 2014
16 « Jean-Luc Mélenchon s’en prend au communautarisme juif », Egalité et Réconciliation, 25 août 2014
17 « Encore une calomnie dans un grand journal », Facebook, Etienne Chouard, 23 novembre 2014

Compte-rendu de l’atelier constituant du samedi 15 novembre à Pantin

avec Les Citoyens Constituants (LCC)1 et Réseau Salariat2

Les Citoyens Constituants

L’accueil a débuté vers 14:00 puis Delta3 a fait une présentation de l’association LCC puis Stef’4 a fait de même pour l’association Réseau Salariat. Je ne m’étends pas sur le contenu de la présentation que l’on peut retrouver sur les sites des associations.

Les points de convergence entre les deux associations sont :

  • l’importance de la délibération politique ;
  • le statut politique du producteur inscrit comme un droit constitutionnel ;
  • l’association « Réseau Salariat » a besoin d’un peuple constituant ;
  • l’association « LCC » a besoin de citoyens émancipés.

Vers 15:00, les différents thèmes de cet atelier ont été présentés :

  • Le statut politique du producteur ;
  • Propriété lucrative contre copropriété d’usage des outils et lieux de travail ;
  • La cotisation sociale ;
  • La retraite.

Afin d’introduire le sujet, le manifeste au format vidéo de l’association « Réseau Salariat »5 nous a été présenté. Il ne dure que 10 minutes et lorsque l’on ne maîtrise pas les concepts, ce n’est pas très simple de tout comprendre. Heureusement que Stef’ a complété cette vidéo avec des explications plus détaillée.

Delta et Stef’ évoquent à tour de rôle quelques points comme le fait que LCC n’a pas de programme politique, que l’association essaye d’être exemplaire via son fonctionnement et ses statuts, que l’emploi et le travail sont deux concepts différents, que les CHU en France ont été construits grâce aux cotisations (plutôt que grâce aux marchés financiers ou au crédit), que des assemblées constituantes tirées au sort ont déjà eu lieu comme en Colombie-Britannique ou en Ontario (Canada), qu’il y a des choix politiques à faire dans ce qui rentre dans le calcul de la production de richesse (PIB), qu’il y a une hiérarchie des salaires liés à la qualification dans le projet de Réseau Salariat et enfin que les retraités, les chômeurs, les parents et les soignants sont des producteurs de valeur économique.

A partir de 15:45, quatre groupes de 5 à 8 personnes se sont formés afin de traiter pendant 1:30 les quatre thèmes proposés. La méthode utilisée pour débattre et effectuer des décisions s’est basée sur le petit protocole de sociocratie délibérative6. L’idée des petits cartons de couleur est excellente !

Réseau Salariat

Le début des débats a commencé vers 16:15. J’étais dans celui qui traitait de la « propriété lucrative contre copropriété d’usage des outils et lieux de travail » animé par Arnaud D.7 Les échanges ont été riches sur la nécessité de bien différencier les concepts de « propriété d’usage » et de « propriété lucrative » ce qui n’existe pas à l’heure actuelle dans notre constitution, sur le droit au logement, sur le bien commun, sur la co-propriété etc. Une phrase m’a particulièrement marqué à savoir : « ce qui tient dans le temps est ce qui attache des droits aux personnes ». Nous avons finalement réussi à proposer un petit article constituant bien que j’estimais qu’une heure et demie de débat n’était pas suffisantes pour traiter un sujet aussi important.

Enfin, à partir de 18:00, après une petite pause, chaque groupe de travail a présenté son texte à l’assemblée et des débats et votes ont eu lieu. Certains émettaient des objections à presque chaque proposition ce qui a considérablement allongé la durée de l’atelier qui a fini avec une heure et demie de retard, à 20:30.

Cet atelier était sympathique et enrichissant et j’en ai profité pour adhérer à l’association LCC pour l’année 2015.

Pi Wu

1 Association « Les Citoyens Constituants »
2 Association « Réseau Salariat »
3 Delta est un membre de l’association « Les Citoyens Constituants »
4 Stef’ est un membre de l’association « Réseau Salariat »
5 « Manifeste : Pour un statut politique du producteur », Réseau Salariat, 14 juillet 2013
6 « Petit protocole de sociocratie délibérative », Gentils virus, 22 mars 2013
7 Arnaud D. est un membre de l’association « Les Citoyens Constituants »

Les premières attaques viennent de notre propre camp !

Jeudi 13 novembre 2014, un petit collectif de philosophes, d’historiens et de sociologue a publié une tribune à charge contre le suffrage par le sort. Tout comme les réalisateurs du film « Les nouveaux chiens de garde »1 révélaient les autres titres des élites économiques, nous pouvons faire le même exercice pour ces élites intellectuelles. Ces cinq personnes sont toutes membres du comité d’initiative du Mouvement pour la 6ème République (m6r)2, Pierre Crétois a appelé à voter Front de Gauche lors de l’élection présidentielle de 20123, Jean-Numa Ducange a initié l’appel pour un nouveau départ du Front de Gauche cette année4, Mathilde Larrère et Clément Sénéchal sont co-responsables de la commission 6ème République du Parti de Gauche et Stéphanie Roza est proche du Front de Gauche. Ce texte n’est pas isolé, il y en a un par mois qui sort depuis le lancement du m6r56. Les premières attaques viennent donc de notre propre camp : La « gauche progressiste », ceux qui scandaient, en 2012, « l’humain d’abord ».

En qualifiant les interventions des citoyens qui prônent une assemblée constituante tirée au sort « d’intempestives », les auteurs adoptent un discours méprisant envers ceux qui pensent différemment d’eux. L’expression de ces simples citoyens ne peut pas être perçue comme constructive, elle est forcément mal à propos. Le ton est donné dès l’introduction !

Ils mélangent la revendication des associations et collectifs citoyens souhaitant une assemblée constituante tirée au sort (afin que les hommes de pouvoir n’écrivent pas les règles du pouvoir) avec la possibilité d’avoir dans notre futur système politique des organes législatifs qui seraient tirés au sort. Les auteurs apportent volontairement de la confusion dans le débat public. Pourquoi volontairement ? Car cela a été maintes et maintes fois expliqué à Clément Sénéchal que le débat ne portait pas sur les futurs organes législatifs mais sur l’assemblée constituante. Pourtant, il perpétue cette confusion.

Les rédacteurs admettent que les professionnels de la politique, élus par le choix, sont « trop souvent méprisants envers leurs électeurs et serviles envers les grands de ce monde »7 et que seuls les personnes « munie d’un solide antidote théorique » pourraient faire face à la classe dominante, à l’influence des médias, à la pression des lobbys financiers et industriels, à savoir les militants engagés dans un parti politique. Si l’on observe les décisions prises par les parlementaires français (tous issus de partis politiques), on remarque, la plupart du temps, qu’il n’y a qu’une petite fraction des élus qui s’opposent aux intérêts des riches et des puissants. Le poids de ces militants politiques, formés, endurcis, résistants, au sein du corps électoral français (44 millions d’électeurs) est inférieur à 1% (440 000 militants). 99% des citoyens n’auraient pas ce « solide antidote théorique » et ne seraient donc pas apte à siéger au sein de l’assemblée constituante ? N’est-ce pas un sophisme que de lier les capacités de résistance au fait d’être encarté ? N’est-ce pas mépriser le peuple que de le considérer inapte ?

Admettons que les volontés de ce collectif d’intellectuels aboutissent. Si nous choisissons d’élire par le choix les citoyens siégeant au sein de l’assemblée constituante, il y aura une campagne suivie d’une élection nationale. Ce type de scénario sera assez similaire à une élection législative en somme. Or, combien d’élus issus d’associations (et non de partis politiques) siègent à l’assemblée nationale actuellement ? Aucun. Il y a donc fort à parier que seuls des militants issus des partis politiques se trouveront au sein de l’assemblée et que le texte constituant soit négocié entre les états-majors des partis politiques dominants et rédigé par leur porte-stylos. Les auteurs estiment que les partisans du suffrage par le sort ont une « vision naïve » mais n’est-ce pas naïf que de penser qu’une assemblée constituante élue par le choix à la proportionnelle pourrait être constituée à plus de 50% avec des élus des partis progressistes ? Au vu des précédentes élections, il y a fort à parier que le FN, l’UMP, le MoDem et le PS auraient plus de 70% des sièges. Doit-on donner la possibilité d’écrire ce texte qui encadrera les futurs hommes et femmes de pouvoir à ceux qui ont déjà le pouvoir, à savoir les partis politiques ? Pouvons-nous compter sur eux plutôt que sur le peuple pour qu’ils adoptent des outils et méthodes démocratiques visant à éviter les dérives actuelles ?

Ce texte se termine en méprisant à nouveau les partisans d’une assemblée constituante tirée au sort car il affirme qu’il n’y aurait pas de contre-pouvoir adossé à cette assemblée, qu’il n’y aurait pas de contrôle des citoyens constituants. Comme le dit le proverbe « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ». Les intellectuels cités en début d’article (Yves Sintomer et Loïc Blondiaux), les associations et collectifs prônant une assemblée constituante tirée au sort ont toujours dit qu’elle ne se suffirait pas à elle-même et que des contre-pouvoirs devraient être mis en place. Clément Sénéchal le sait bien, cela lui a souvent été répété. Le clou final est certainement cette confusion que font les auteurs entre les termes « élire » et « voter ». Les partisans du tirage au sort sont généralement pour qu’il y ait plus de votes des citoyens et moins d’abandon du pouvoir politique à des représentants (élection). Donc évoquer une « remise en cause insidieuse du droit de vote » est tout simplement insultant.

Nous devons faire directement confiance au peuple (comme peut le faire la Fondation Sciences Citoyennes89) et pas uniquement à ses représentants. Il faut se demander comment les abstentionnistes, de plus en plus nombreux, peuvent revenir à la participation politique. Si nous souhaitons changer de constitution afin d’instaurer la démocratie en France, il faut sortir des schémas de pensée traditionnels et ne pas évacuer certains outils démocratiques tel que le suffrage par le sort.

En conclusion, j’ajouterai ces deux citations issues de nos propres rangs :

« La 6ème République ne peut pas être la chose des partis et elle ne peut pas être la chose d’un seul parti [..] C’est quand même beaucoup plus facile d’enthousiasmer la grande masse des gens si ce ne sont pas des politiques qui sont devant », Raquel Garrido, La Radio de Gauche, 21 octobre 2014

« En raison de la personnalisation du pouvoir et de cette pression de la compétition pour les postes est un système à faire fuir de la politique les gens qui font ça au nom du bien commun, de l’intérêt commun, à attirer ceux qui font ça soit pour s’en foutre pleins les poches, soit pour avoir des postes et du pouvoir et dans tous cela à trier pour savoir lesquels sont les plus doués ou pas ceux qui sont le plus capable de gagner la compétition politique. Mais cela ne demande pas exactement les mêmes talents que ceux qui sont nécessaire pour sélectionner les plus doués pour l’intérêt général, qui sont les plus doués pour imaginer et mettre en œuvre des solutions politiques efficaces pour résoudre nos problèmes. Donc ce système politique est non-démocratique, il est totalement inefficace, il faut effectivement en changer. Et qui peut en changer ? [..] C’est à la communauté des citoyens, donc à des assemblées, probablement tirés au sort et bien de mener ce débat pour définir de nouvelles règles du jeu politique », Jacques Généreux, Le cercle des volontaires, 15 octobre 2014

Pi Wu

1 « Les nouveaux chiens de garde », Gilles Balbastre, Jem Productions, 2011
2 « Déclaration pour la 6ème République », Collectif, Septembre 2014
3 « Appel de plus de cent philosophes à voter Front de Gauche », L’Humanité, 10 avril 2012
4 « Appel pour un nouveau départ du Front de Gauche », juin 2014
5 « Une VIe République sociale, écologique et démocratique », Regards, Laura Raim, 12 septembre 2014
6 « Réaffirmer le politique : pour une Constituante élue », Blog, Clément Sénéchal, 7 octobre 2014
7 « Une assemblée tirée au sort ? », Libération, Collectif, 13 novembre 2014
8 « Démocratiser le nucléaire… par tirage au sort », Libération, Jacques Testart, 31 mars 2011
9 « Comment les citoyens peuvent s’emparer des choix de société ? », La Vie, 7 juillet 2014